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Solennité de la Pentecôte, Dimanche 20 mai 2018,
Notre Dame de TRIORS.
Mes bien chers Frères, mes très chers Fils,
Nous fêtons en ce jour la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres ; les Actes des apôtres nous en font le récit (2,1-11). Mais la portée de l’événement en est donnée dans le discours après la Cène dont nous venons d’entendre ce fragment (Jn. 14,23-31). Il nous apprend que le Bon Dieu souhaite habiter et faire sa demeure en nous (14,23), Il nous veut unis de tout cœur avec Lui par l’obéissance, vertu qui fait aimer avec Lui et en Lui les mêmes réalités : Si quelqu’un m’aime, il garde mes paroles (14,23). En conséquence de quoi, l’évangile dévoile le grand mystère du récit des Actes des apôtres, à savoir que le Consolateur, l’Esprit-Saint nous est envoyé par le Père pour nous enseigner l’unique Nécessaire de l’union à Dieu, l’unique Nécessaire de l’existence (Cf. Luc 10,42). L’union du Père et du Fils dans le Saint-Esprit met le sceau à notre foi en l’unicité de Dieu proclamée tout au long de la Bible. L’Esprit-Saint nous enseigne le mystère de Dieu, nous rappelant en outre tout ce que Jésus a dit pour que nous menions bien notre vie (14,26). A Jésus, prédicateur extérieur dans la vie publique, succède maintenant ce prédicateur intérieur, qui purifie notre conscience pour mieux l’éclairer et la faire courir dans la voie du précepte de l’amour (RB Prol.).
La paix apportée par Jésus peut alors se répandre ; elle ôte tout trouble (14,27), elle donne de comprendre l’importance de son départ, condition nécessaire pour bénéficier de l’influence du Saint-Esprit, autrement dit, pour nous faire admirer dès ici-bas l’union en Dieu des divines Personnes. Toute beauté, toute joie, toute paix vient de là ; toute beauté, toute joie, toute paix qui ne vient pas de là est fausse. Et cette effusion du Saint-Esprit à la Pentecôte n’est pas le dévoilement d’une spéculation purement intellectuelle, il ne s’agit pas d’une table des matières exhaustives de tout savoir possible : il n’est pas là avec des syllogismes irrésistibles. La doctrine surnaturelle qui survient sur les Apôtres va beaucoup plus profond, elle est intégrale et prend toute leur vie : sa chaude lumière transforme leur comportement.
Les épîtres catholiques que les Apôtres nous ont laissées (Pierre, Jean, Jacques, Jude), dénotent cette radicale transformation ; les pensées du ciel les soulèvent d’enthousiasme et leur donnent cette stratégie apostolique qui a changé la face du monde. Ils veulent nous les faire partager, non pas « du bout des lèvres », mais à plein cœur. Ignis, le feu de Pentecôte est celui de la charité qui ambitionne de brûler en holocauste la vie toute entière. Après eux, les Pères de l’Église ont renouvelé l’histoire humaine au contact de la Parole révélée devenue feu dévorant qui embrase et souffle, ouvrant toutes les portes blindées de l’histoire des hommes. Siècle après siècle, la Pentecôte poursuit sa marche de géant.
Pourtant sous nos yeux, l’inverse semble s’imposer. Les signes visibles de Dieu disparaissent, ceux du démon se multiplient : Tertullien dit de lui qu’il singe Dieu. Malgré tout la Pentecôte est là, humblement triomphante, dénonçant sans sarcasme l’inanité de ses caricatures falsifiées. Et cela est extrêmement concret : voici 50 ans en mai 68 de prestigieuses et fallacieuses promesses furent faites pour éviter tout effort moral. Faites-vous plaisir : l’adage qui sévit toujours, prétend aider à supporter le triste présent avec son décor sans âme ; mais le divertissement pascalien devient le grand ennui, ce mal de vivre que, à juste titre, la jeunesse cherche à fuir. L’adage touche surtout la vie affective « sans risque » comme on dit, c’est-à-dire en révolte contre l’ordre divin. La loi Neuwirth a consacré cette transgression, enclenchant peu après la loi Veil.
Mais voici 50 ans également, le Bx Paul VI promulguait à l’automne l’encyclique Humanae Vitae pour réaffirmer à l’inverse le beau projet de Dieu sur le mariage humain. Le vent de Pentecôte continue : par là, le futur saint donne la clé de notre bonheur, à l’image et ressemblance divine. Les clichés et les refrains de l’époque -ils sévissent toujours et plus que jamais devant nous- y sont retournés, pour dégager en faveur de l’Esprit de Pentecôte la beauté du projet divin sur le mariage humain. Ses exigences, certes, font peur au regard superficiel, mais le bel effort qu’il requiert, donne à l’affectivité de s’épanouir, la libérant du mensonge pour déployer son énergie de vie et toutes ses virtualités.
La Pentecôte se poursuit ainsi avec son vent qui décoiffe, mais surtout avec sa flamme qui réchauffe. La contre-Pentecôte continue de légiférer dans le vide, cherchant en vain à ordonner le désordre, à équilibrer les déséquilibres affectifs après les avoir adulés. On dirait un médecin sans foi ni loi, s’épuisant vainement en soins palliatifs pour les situations sans nom qu’il a créées.
L’évangile de la vie, comme l’eau chaude, n’est pas à inventer : il est là dans la droiture de tout coeur humain ; il est à respecter et à aimer. Un livre vient de paraître laissant chanter la beauté du projet divin qui passe par le respect de la femme. Titré Recevoir le féminin (Gabrielle Vialla, édition Fécondite, mai 2018), il fait découvrir le trésor où Dieu a déposé tant de merveille et de délicatesse. Méditer l’objet de la fête de ce jour nous met nécessairement en contact avec la réalité de la famille, de la femme donc et de l’homme d’aujourd’hui. L’actualité la plus criante ne peut être éclairée que par l’Esprit-Saint qui donne d’analyser sans vaine peur le monde d’aujourd’hui. L’Esprit des prophètes a toujours vocation de renouveler la face de la terre, de la mettre dans la joie et dans Sa paix.
Le Cénacle fait sortir les apôtres pour mettre l’incendie d’amour à l’univers. Au dedans, le recueillement de Marie la Mère de Jésus avec les autres Marie de l’évangile porte la fécondité de leur apostolat. Elle est fêtée désormais par la liturgie comme la Mère de l’Église, protégeant le rayonnement divin de celle-ci pour le salut des hommes, amen, alleluia.
Dom Courau, père abbé de Triors