Par ce titre, je n’ai pas (encore) l’intention de m’ouvrir un avenir lucratif. Je fais, simplement, une exception, poussée par cet impératif : des prêtres s’essaient à un enseignement détaillé sur l’acte conjugal, lors de la préparation au mariage. Sans filet, pour la plupart. Le sacerdoce serait-il un bouclier contre les erreurs en ce domaine ? Poser la question en 2020 suffit à y répondre.
Le prêtre est-il condamné à être un simple spectateur des tragédies qui touchent à la sexualité ? Bien sûr que non. Ce serait aberrant. Si de nombreux saints prêtres ont pu aider dans le passé, les prêtres d’aujourd’hui le font aussi. Moi-même, ce n’est pas mon statut d’épouse, mais les années d’écoute qui me permettent d’avancer ce qui va suivre avec un degré de certitude suffisant. Degré de certitude qui tient compte de l’immense diversité des tempéraments, des cultures familiales ou encore des blessures, des erreurs passées… Je désire ici simplement contribuer à une réflexion sur la part de la sexologie contemporaine qui s’incruste dans la préparation au mariage. Que faut-il garder ? De quoi faut-il se méfier ? Quels sont les rôles respectifs des laïcs mariés et du prêtre ?
Je vous livre ici quelques prémisses.[1] D’aucuns diraient qu’il s’agit de conseils « sexo ». Profitez du vocabulaire : je ne compte pas m’y spécialiser… Je les adresse à tout un chacun fiancés et mariés. Que les prêtres y voient, eux, du contenu de réflexion :
- Intimité, pudeur, patience, persévérance sont nécessaires à l’épanouissement sexuel. Si vous reconnaissez là un impératif intérieur, fuyez a priori toute description, discours, lexique qui n’en rendent pas compte.
- Jeûner régulièrement des stimuli sensoriels sensuels des divertissements audio-visuels. Ces images, et sons – même non pornographiques – banalisent en nous l’injonction à une sexualité performante. Il convient d’en être le plus conscient possible.
- La mentalité contraceptive (et davantage encore la contraception proprement dite) s’oppose non seulement à la vie mais aussi à l’amour, et à l’épanouissement sexuel entre les conjoints. Un ouvrage, un enseignement qui ne vous met pas en garde contre cela, contient déjà une erreur pour votre épanouissement personnel.
- Jean-Paul II et ses catéchèses ne sont pas une « caution » à tout ce qu’on veut leur faire dire. La théologie du corps peut servir malheureusement à masquer les opinions sexo de tel ou tel auteur. Si vous désirez savoir ce que dit Jean-Paul II, lisez-le. Ou demandez les références des points avancés.
- Être conscient de l’injonction moderne à parler de sexualité, alors que paradoxalement le véritable échange tenant compte de la complémentarité de l’homme et de la femme, lui, est aboli.Si certains discours valorisent le fait de décrire les actes conjugaux, ils omettent le plus souvent la nécessité pour l’épouse de remettre la réalité de son cycle à son époux et à celui-ci de le recevoir. Il convient surtout de discerner si l’on est capable de se confier dans le quotidien, si l’on peut dire une réelle difficulté, une fragilité, une tentation. L’expérience prouve que c’est bien autre chose que la capacité de parler de sexe. Décrire n’a absolument pas démontré son efficacité sur l’épanouissement des couples. Apprendre à se confier à l’époux (se), et selon le sujet, aux bonnes personnes (confesseur, conseillers, moniteurs), si.
- Recevoir le tempérament, le passé et la culture de son conjoint… avant ceux des personnes qui vous donnent des conseils. Quand on ajoute le lexique, les représentations sexuelles d’une tierce personne, il convient d’être conscient de leur éventuel impact. Des fiancés peuvent être bien prudents en refusant de se voir décrire l’acte conjugal en préparation au mariage. D’autres peuvent en trouver la nécessité s’ils sont dans une grande confusion, due à des expériences passées, à l’usage de la pornographie.
- Formation de l’intelligence et garde du cœur. Sachez définir ce qu’est la chasteté[2], la paternité et maternité responsable, sachez approfondir… Lisez de bons livres. Régulièrement. Ne pensez pas que vous savez tout sur ces sujets. C’est une illusion. L’anthropologie à partir de la régulation naturelle des naissances est appelée à s’approfondir (cf Familiaris Consortio §32). C’est une nécessité face à la culture de mort.
- L’alliance sexualité/spiritualité exige la lumière. Refusez tout enseignement d’un prêtre, qui ne puisse être assumé ouvertement, sous prétexte de pureté, de contexte de prière[3]. Trop d’exemples ont montré les conséquences de ce type d’initiations, de confidences : beaucoup d’illusions, voire jusqu’à de tristes cas d’abus spirituels. La gravité ou simplement l’inéquation de la situation n’apparaît pas immédiatement. C’est dans un second temps que les personnes réagissent à la relecture de leur vie, que les disciples retournent leur responsabilité propre contre des maîtres qui furent bien imprudents….
- La prière conjugale[4] remet à Dieu les désirs du cœur et du corps. Du coup, il faut qu’elle existe !
- Ne jamais oublier de recourir aux grâces d’état. L’épanouissement sexuel relève du périmètre des grâces d’état du mariage. Les fiancés ont les grâces pour vivre la continence des fiançailles mais pas celles pour discerner ce qui concerne directement l’exercice de la sexualité. Ils doivent l’accepter dans la confiance. On vieillit bien… en choisissant de rester fidèle et d’évoluer pour répondre à l’appel intérieur à la chasteté. Le mariage n’est pas une sous-catégorie de la sainteté. Il comporte épreuves, et héroïcité cachée dans le quotidien[5].
Conclusion :
Jamais, nous n’avons eu autant besoin d’une pastorale du mariage équilibrée, comme d’une réelle collaboration entre les prêtres et des laïcs mariés attachés à la chasteté conjugale[6]. Cet article n’a pas pour objet de traiter de cela, mais il est un rappel de cette urgence. Il est évident que le prêtre est attendu pour l’évangélisation de ce moment si riche de l’existence humaine. Jean-Paul II rappelait deux choses essentielles à annoncer aux fiancés. La première est que l’homme est appelé à vivre dans la vérité et l’amour. La seconde est que tout homme se réalise par le don désintéressé de lui-même ![7]
Il y a une véritable hiérarchie intérieure à transmettre aux fiancés pour leur bonheur et le bien de l’Église. Certains éléments, s’ils ne peuvent aujourd’hui être ignorés devraient être transmis d’abord par des couples mariés, conscients des trésors apostoliques contenus dans le magistère. Les prêtres sont attendus pour former ces collaborateurs nécessaires à leur ministère de prêtre, afin de marier des personnes ayant été préparées[8].
Gabrielle Vialla
[1] Je conseille d’ailleurs cet exercice. Notez vos prémisses, sans les développements de votre pensée et examinez-les un par un.
[2] On peut lire La Chasteté, Gabrielle Vialla, éd. Artège, 2020.
[3] Le futur Jean-Paul II a assumé dans Amour et Responsabilité tout un discours sur le plaisir. On ne retrouve pas dans sa correspondance privée d’enseignement qui serait « trop beau, trop complexe » pour être reçu par tout-un-chacun et donc publié.
[4] Nous sommes aujourd’hui le 7 décembre, veille de l’Immaculée Conception. On dit qu’Anne et Joachim se sont unis, à la suite de la rencontre de la Porte Dorée (illustration) pour concevoir la Vierge Marie. En ayant transmis cet épisode, la tradition nous fait méditer sur l’intimité, la pudeur, le « ministère du dessein établi par le Créateur » (Humanae Vitae) confiés aux époux qui L’aiment.
[5] Une illusion portée par la sexologie consiste à penser que par des connaissances théoriques, on puisse « gagner du temps » pour accéder à un épanouissement sexuel. L’observation de l’insatisfaction contemporaine dément, à mon avis, cela. La sexualité humaine a besoin de s’inscrire dans le temps, de s’approfondir dans le contexte plus prosaïque de la vie quotidienne à deux. Quand cela n’est pas intégré, face à l’épreuve, les personnes ont tendance à rechercher de nouveaux apports, de l’exotisme… avec les risques d’emballements permis par nos sociétés.
[6] D’année en année, tout un travail d’approfondissement est fait. Les prêtres peuvent désormais accéder à quelques archives ici
[7] Cf Conseil Pontifical pour la Famille, Préparation au sacrement de mariage, 1997.
[8] « L’Église a déployé des efforts et des initiatives considérables pour la préparation au mariage, par exemple sous la forme de sessions organisées pour les fiancés…. Mais il ne faut pas oublier que la préparation à la future vie de couple est surtout une tâche de la famille. Certes, seules les familles spirituellement mûres peuvent exercer cette responsabilité de manière appropriée. Il convient donc de souligner la nécessité d’une solidarité étroite entre les familles qui peut s’exprimer en divers types d’organisations, comme les associations familiales pour les familles. L’institution familiale se trouve renforcée par cette solidarité qui rapproche non seulement les personnes, mais aussi les communautés, en les engageant à prier ensemble et à rechercher, avec le concours de tous, les réponses aux questions essentielles qui surgissent dans la vie. N’est-ce pas là une forme précieuse d’apostolat des familles par les familles ? » Lettre du pape Jean-Paul II aux familles, 1994.
Merci Gabrielle pour ces prémisses pleins de justesse !