Je suis atterrée par le rapport de la Communauté Saint-Jean, rapport que je ne suis pas arrivée à lire entièrement. J’avais lu attentivement l’Affaire, lecture terrible mais nécessaire…
Je pense à tous les membres de la Famille Saint-Jean mais aussi à tous ceux qui en furent ou en sont proches, familialement ou amicalement. Je prie Dieu de nous accorder la consolation de sa Présence dans nos vies et la persévérance dans la recherche de la vérité.
Pendant ces dix dernières années, 2013-2023, décennie qui marque aussi les anniversaires de l’encyclique Veritatis splendor (1993) sur la conscience, j’ai longuement réfléchi sur mon histoire familiale et personnelle. L’écriture de la Chasteté puis d’Éduquer la conscience dès l’enfance est la partie visible de cette recherche.
En me confiant à une amie, je me suis rendu compte que j’avais omis un témoignage tout simple mais, à mes yeux, essentiel. Il touche à la nécessaire transmission de la morale liée à la foi dans nos paroisses, et aux repères à donner à nos enfants. Lorsque j’étais adolescente, dans les années 1990, mes parents étaient abonnés à l’Osservatore Romano. Un peu atypique, à 15 ans je découvrais ce journal, alors même que le saint pape expliquait les raisons de la parution de cette encyclique morale et du Catéchisme de l’Église catholique. J’en ai gardé cette impression étrange qui fait que pour moi les catéchèses de Jean-Paul II, ne sont pas seulement celles de la théologie du corps. Bref, à l’époque, en 1993 puis en 1995 avec Evangelium vitae, j’ai été pleinement consciente d’une dissonance entre ces encycliques limpides de Jean-Paul II et un enseignement de Marie-Dominique Philippe pour le moins confus ou absent sur ces sujets. Ce fut l’occasion d’une souffrance inavouable et d’un des casse-têtes dont je parle dans l’Avant-Propos de mon dernier ouvrage, écrit il y a plus d’un an.
Toujours est-il que l’élément le plus massif de Veritatis Splendor, « il existe des actes intrinsèquement mauvais », fut pour moi un repère incontestable de discernement, dans les différents lieux où je suis passée. L’Écriture nous dit que Dieu « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. » (1Tm 2, 4). (1)
Je précise de façon simple ce que j’avais compris en 1993 et que j’enseigne à mes adolescents : dire qu’il existe des actes intrinsèquement mauvais ne signifie jamais juger les personnes. Seul Dieu connaît vraiment les circonstances et les intentions. Contrairement à ce qu’il est de bon ton de dire aujourd’hui quand on veut tout changer ou ne rien faire, l’enseignement moral traditionnel ne colle pas sur la personne une étiquette la réduisant à son acte, mais au contraire précise : « une personne ayant commis… ». Ainsi il permet à la personne de ne pas rester prisonnière de ses méfaits. L’Église, comme le Christ, attend que nos nombreux péchés soient pardonnés parce que nous avons, avec sa grâce, su reconnaître en Lui la Vérité… Oui, rappeler qu’« il y a des actes qui, en eux-mêmes et par eux-mêmes, sont irrémédiablement mauvais », c’est transmettre qu’il y a des actes incompatibles avec la dignité personnelle de tout homme, rappeler que la liberté grandit dans l’adhésion à la Vérité, et non dans son rejet. Voilà « les premiers secours » face à toute manipulation, tyrannie. Ce n’est certainement pas un hasard si les auteurs de cette encyclique, Jean-Paul II avec l’aide du cardinal Ratzinger, futur pape Benoît XVI, ont subi dans leur histoire personnelle les pires totalitarismes du XXe siècle. Je vous conseille, pour illustrer cela, la biographie fleuve Benoît XVI, une vie de Peter Seewald. Une magnifique lecture de vacances. La doctrine de l’Église, avec des préceptes qui interdisent les actes intrinsèquement mauvais, bien loin d’être d’une intolérable intransigeance, est au contraire, en réalité, pleinement éducatrice, capable de prévenir des souffrances en cascade, des effondrements communautaires et sociaux. Il est temps que la génération Jean-Paul II reconnaisse les anticorps contenus dans Veritatis Splendor, redécouvre la formation de la conscience morale et spirituelle pour elle-même et ses enfants !
Gabrielle Vialla
(1) On peut lire aussi 2Th 2, 10-13. Il y a un lien entre le Salut et la vérité. Le Catéchisme nous l’explique : « Dieu veut le salut de tous par la connaissance de la vérité. Le salut se trouve dans la vérité » (CEC §851)