Santo Subito!
Recevoir le féminin est une expression de Joseph Ratzinger avant d’être le titre d’un de mes ouvrages. Benoît XVI est mort samedi matin à l’heure de la messe, en la veille de la Solennité de Marie, Mère de Dieu, et ce n’est pas un hasard mais bien un signe de la Providence.
Le regard que Benoît XVI porte sur Notre-Dame est tout monastique. Ce regard est d’abord distant et respectueux. Ces termes vous paraîtront peut-être froids. En réalité cette distance et ce respect sont l’écrin de la sensibilité afin d’envelopper dans le silence un amour ardent. Il ne s’agit jamais chez Ratzinger, de projeter sur la femme une image idéalisée, désincarnée, forcément réductrice et déformée, susceptible de faire perdre ses lettres de noblesse à la mariologie. Bien au contraire, il convient d’y mettre toute notre intelligence, au service de la foi.
Il ne s’agit pas pour Ratzinger de savoir ce que fait ou doit faire la femme, mais de ce qu’elle est pour Dieu. C’est en contemplant la foi de Marie, ce que Dieu nous donne par elle, que nous mesurons la profondeur de l’amour trinitaire.Les femmes de l’Ancien ou du Nouveau testament, comme les grandes figures féminines de l’histoire de l’Eglise, à l’instar d’Hildegarde de Bingen qu’il nous donna comme docteur ne sont pas éclipsées, ni réduites à de tristes copies. Au contraire, leurs personnalités riches et généreuses deviennent avec le pape Benoît XVI une source intarrissable pour la théologie de la femme. Recevoir le féminin n’est pas une mince affaire. C’est vers le Christ-Époux que nous devons nous tourner pour en saisir toute l’exigence.
Si par la biologie nous tenons du père d’être homme ou femme, avec le pape Benoît XVI, nous pouvons saisir comment la paternité spirituelle, respectueuse et distante, rappelle à ses enfants que nous recevons notre être de notre Père du Ciel et qu’après avoir bien travaillé à Le connaître et à L’aimer, nous devons tout Lui remettre.
Gabrielle Vialla
Éduquer la conscience dès l’enfance
Éduquer la conscience dès l’enfance, Gabrielle Vialla, vient de paraître aux éd. Artège
Dans tout casse-tête, une fois qu’on a la solution, c’est très facile. En amont, c’est une autre affaire. Il en va de même pour la question de la conscience. À l’âge adulte, nous nous sommes tous interrogés : Que dois-je à ma famille, à l’Église, à l’avis personnel ou simplement à la force de conviction de tel pasteur, de telle personne ? Qu’est-ce que je désire à mon tour transmettre ? Ou ne pas reproduire ? La solution pour y répondre est de s’intéresser à la formation de la conscience dès le premier âge.
S’appuyant sur une riche tradition, illustrée par de nombreux exemples, Gabrielle Vialla nous permet de comprendre l’œuvre de la conscience au quotidien et l’action que Dieu accomplit aux différents âges de la vie. Ayant manqué trop souvent d’enseignements clairs sur ce sujet, de repères solides et d’accompagnements bienveillants, de nombreux adultes percevront davantage leur responsabilité vis-à-vis des jeunes générations.
Et si la conscience, le premier de tous les vicaires du Christ selon les mots du cardinal Newman, devenait notre meilleure alliée éducative ?
21 x 13 cm, 224 p. ISBN 979-1033613763, 16.90 €
En librairie, sur Amazon où vous pouvez feuilleter les premières pages, Fnac, la Procure, le Barroux, l’Emmanuel, Livres en Famille…
On en parle dans Famille Chrétienne, la Nef, sur TV Libertés, Radio Courtoisie, RCF Belgique; dans deux séries d’émissions « Des clés pour vivre » sur Radio Présence.
Voir le plan de l’ouvrage ; une interview
Webinaire le 9 mars 2023 qu’on peut revoir en s’inscrivant ici. Code invité : ENFANT
16 janvier 2023 : La Chasteté pour le Royaume
Journée ouverte à tous les prêtres, organisée par l’abbé Bruno Bettoli (Versailles), Gabrielle et B Vialla.
La journée a lieu à la maison paroissiale Mamré, 97 Avenue Gaston Boissier, 78220 Viroflay. à 500m de la gare Viroflay Rive Gauche, ligne N (Montparnasse) et RER C
OU bien : à distance via Zoom (nécessite un ordinateur avec idéalement une webcam, ou un smartphone).
Inscriptions : bruno.bettoli@catholique78.fr et 06 98 04 21 86
Merci de vous inscrire également si vous assistez en ligne.
Lundi 16 janvier 2023, de 9h à 17h.
Libre participation aux frais de la journée – Déjeuner sur place
Messe possible à 17h15
L’éléphant est dans la pièce!
D’une affaire à l’autre, je cherche un petit mot dans les communiqués, et je lis ceci : « Ce que nous découvrons de quelques-uns de nos frères nous appelle à nous examiner, cela nous a été rappelé, sur notre rapport au pouvoir, aux biens, à notre ministère, à chacune des personnes avec qui nous agissons. » Mgr de Moulins-Beaufort, 8 novembre 2022
Chers frères évêques, je pose tout haut la question: personne ne vous a-t-il rappelés à vous examiner sur votre rapport à la sexualité ?
Comme parents laïcs qui éduquons patiemment nos adolescents avec leurs portables et leurs désirs compliqués… quand on nous parle de « strip-confession » et d’agression sexuelle, nous comprenons vite qu’il y a un sujet à traiter : la sexualité. C’est l’éléphant dans la pièce !
Comment ne pas interroger et rappeler chacun à l’éducation de sa conscience ? Comment pourrions-nous nous passer de la responsabilité personnelle dans un monde aux profondes mutations anthropologiques ?
Les actes répréhensibles ne sont pas posés par une fonction (prêtre ou évêque, même si celle-ci aggrave l’abus) mais par un être humain. Chaque victime est aussi une personne unique.
Dans la mesure du possible, quels éléments humains et de catéchèse sont-ils donnés largement pour que les adolescents, les jeunes adultes, les familles, mais aussi les prêtres discernent en matière de sexualité ce qui est juste ou non, puissent enfin dans le pire des cas dénoncer rapidement les abus subis ? Les délais – plus longs que ceux de la prescription judiciaire – pour que les faits soient révélés ou traités laissent songeurs sur l’ampleur du travail à fournir.
C’est bien de revoir les procédures. C’est bien de reconnaître et de demander pardon. Mais ce n’est pas suffisant. Il convient d’admettre enfin une évidence. Il y a eu une autre grave démission ecclésiale collective: l’abandon d’une catéchèse cohérente et adaptée sur la sexualité humaine.
Mais le pire, c’est que l’on préfère encore chuchoter dans l’entre-soi : « ce prêtre là, il s’occupe un peu trop de ce sujet! » « Il vaut mieux ne pas trop s’afficher en faveur de telle oeuvre éducative » « Le mot chasteté c’est bien trop compliqué, personne ne va le comprendre ».
Pourtant, chaque chrétien devrait pouvoir répondre à cette question : à quelle anthropologie fondamentale(*) est-ce que j’adhère personnellement ? Quels moyens humains et spirituels est-ce que je prends pour être fidèle à mes engagements?
N’est-ce pas cela la véritable maturité?
C’est bien trop facile de noyer la responsabilité personnelle derrière les décisions collectives.
L’éléphant est dans la pièce! Il marche manifestement avec nous dans le chemin synodal… espérons que des pauvres crient: il piétine tout! Même si les évêques n’entendent pas, le Dieu de miséricorde aura pitié d’eux. Le petit mot de chasteté existe toujours pour eux.
Gabrielle Vialla, auteur de la Chasteté, un don qui rend sa beauté à la sexualité
(*) on peut lire Familiaris Consortio 32
L’éducation de la Conscience dans la famille
Interview de Gabrielle Vialla, au sujet de son prochain ouvrage Éduquer la conscience dès l’enfance, à paraître début 2023
• Qu’est-ce que la conscience ? Pourquoi écrire sur ce sujet ?
J’aime penser que la Providence m’a conduit avec délicatesse à ce sujet. Tout d’abord, comme mère de famille, comment ne pas être sensible à la grande responsabilité de l’éducation ? Choisir le Bien pour nos enfants, s’émerveiller du Beau en famille, former chacun à la recherche du Vrai en respectant la personnalité merveilleusement unique de chacun de nos enfants est une aventure qui implique à la fois notre conscience d’éducateur et la formation de leur conscience. À chaque étape de la croissance de nos enfants, nous rencontrons de nouveaux défis. Mon livre contient de nombreuses histoires concrètes qui illustrent cela. En parallèle de ma vie de maman, l’apostolat de la régulation naturelle des naissances m’a préparée à ce sujet. Les époux ont de redoutables cas de conscience à affronter ensemble, ou malheureusement dans la solitude. Ces sujets sont souvent traités indépendamment de l’éducation de la jeunesse, alors que l’expérience m’a montré les implications de nos choix personnels dans notre progéniture. Enfin dans ma vie personnelle et mon histoire familiale, j’ai désiré purifier en moi l’héritage spirituel reçu dans mon enfance, mon adolescence et mon jeune âge adulte. Tout bon éducateur se retrouve à un certain moment face à cette question plus ou moins difficile à résoudre de ce qu’il convient ou non de transmettre. Relire son histoire dans l’amour de la vérité c’est aussi pour moi entendre l’impératif du Christ à Le préférer à tout (Matthieu 10,37). Il est douloureux mais indispensable de lâcher les éventuelles erreurs des schémas éducatifs, afin de grandir en liberté et d’aider autrui à s’élever. Car éduquer c’est élever ! Ensuite, seulement, les parents peuvent s’effacer devant la conscience éduquée qui doit continuer à se former elle-même avec persévérance. Il n’y a véritablement qu’au terme de notre vie, du long processus que vit notre conscience, que nous pourrons vérifier notre assentiment plénier à notre Créateur, à Celui pour lequel notre cœur est fait. Notre conscience nous y prépare. Tel est son rôle ! Voici ma définition de la conscience : elle est ce qui, caché en nous, lorsqu’elle est droite et bien formée, nous prépare à connaître Dieu. Nos générations, qui sont face à une longue déchristianisation de notre pays, comme à de douloureuses révélations, doivent à mon avis redécouvrir et aspirer à la beauté de la conscience droite et bien formée. L’enjeu est essentiel autant pour la persévérance dans la foi des adultes que pour l’éducation de la jeunesse qui se construit dans un climat social souvent peu enthousiasmant. Ne craignons pas la conscience mais recevons-la comme une merveille étonnante !
• Comment la formation de la conscience est-elle indispensable à l’éducation intégrale de la personne humaine ?
La conscience nous unifie en quelque sorte, dans ce lieu et ce travail silencieux plus intime à nous-même que nous-même. La conscience est ce que la Bible désigne comme le cœur. Le saint cardinal Newman avait d’ailleurs comme devise la phrase de saint François de Sales « le Cœur parle au cœur ». On peut comprendre l’éducation intégrale comme le don gratuit de l’exemple et de la parole d’une conscience formée vis-à-vis d’une conscience qui se laisse former. Sainte Teresa de Calcutta enseignait aux supérieurs que l’on obtient plus par la douceur que par le rappel à l’obéissance. Elle était pourtant bien exigeante dans le service de la charité, mais elle savait que le meilleur moteur pour la croissance dans la vertu c’est l’amour. Aux sœurs fatiguées, elle conseillait plus de prière. Je ne pense pas que cela soit le seul conseil à donner aux parents éducateurs fatigués, mais c’est certainement un bon début. Il s’agit de commencer à ajuster sa propre conscience à celui qui seul sait Aimer.
• Quelle différence entre le sens moral et la conscience ? Quels sont les liens entre conscience et foi ?
Le sens moral, discernement et choix du bien et du mal, n’est qu’une partie restreinte de la conscience, laquelle parcourt en fait le vaste champ de toute notre existence. Réduire la conscience au seul sens moral, dans le contexte sécularisé qui est le nôtre, risque fort de mener au subjectivisme et au volontarisme, et de faire percevoir la conscience comme totalement autonome, comme une simple recherche du bien, mais en dehors de la relation de l’être avec Dieu.
Lorsqu’on choisit d’écouter sa conscience et de la former, on vit de fait un chemin de purification dans la foi – pour ceux qui ont reçu ce don – ou une préparation à ce don par une vie droite. L’Auteur de la nature est aussi celui de la grâce. Il nous a créé corps, âme et esprit, doué d’intelligence et de volonté. Comment il a tout prévu dans Son Amour, sa pédagogie : voilà ce qui me passionne. Au cœur de cette pédagogie, il a placé en nous, un lieu, un temple où Il nous parle, quand nous apprenons à L’écouter. Dans l’intime de la conscience, chacun est face à son Créateur. Pour certains il reste le grand Inconnu, pour d’autres il est caché derrière le voile de cette vie présente, mais il est là !
• Comment réveiller notre conscience ? Pourquoi n’est-ce pas inné ?
Dieu n’a pas voulu pour nous une conscience prête à l’emploi. C’est un fait ! De même qu’il a permis que nous vivions une croissance corporelle de notre conception à notre taille adulte, à notre maturité cérébrale qui intervient plus tardivement encore, il a permis que notre vie morale et spirituelle nécessite aussi une éducation. Rien n’est uniforme. Nous pouvons vivre des progrès, des régressions, des lassitudes, des endurcissements aussi. Notre éducation, ou son absence, a comporté des forces mais aussi d’inévitables déformations. Nous avons la possibilité de refuser le bien, de ne pas rechercher la vérité. Mais Dieu nous a aussi donné de grands secours avec l’Église, ses sacrements, ses témoins, Sa Parole qui nous nourrit. Nous pouvons contempler comment tout ceci s’articule et se conjugue pour notre bien.
• Devons-nous redécouvrir la puissance de l’examen de conscience dans notre croissance personnelle ?
L’examen de conscience est une tradition précieuse et belle de l’Église. Il est un prélude indispensable à la réception du sacrement de la réconciliation puisque nous y allons pour confesser nos péchés. Les moines, moniales et religieux le pratiquent chaque jour. Il serait bon qu’il soit redécouvert dans les familles. Mais il nous faut aussi admettre que certains usages rigides ont pu décourager voire repousser certaines personnes. Nous devons toujours bien rappeler à nos enfants que l’examen de conscience se vit dans une relation d’amour et de confiance en la bonté du Père Céleste, en l’assistance de l’Esprit Saint, le regard fixé sur la personne de Jésus. C’est une rencontre personnelle de la conscience avec Dieu, qui se nourrit de la lecture assidue des évangiles. Les éducateurs ou parents ne doivent jamais profiter de l’examen de conscience pour chercher à obtenir tel ou tel comportement d’un enfant.
• Comment accompagner les jeunes qui sont surexposés aux images et aux vidéos qui déforment et détruisent la conscience ?
J’aborde ce sujet dans mon ouvrage, mais je commence la formation de la conscience dès la toute petite enfance. La formation de la conscience doit commencer au berceau, et nous ne devons pas nous-même y renoncer à l’âge adulte, ni nous relâcher sous prétexte d’une certaine fidélité acquise. L’écoute persévérante de sa conscience est contagieuse pour autrui. Les jeunes sont sensibles aux éducateurs qui se convertissent eux-mêmes, en particulier – puisque telle est la question – dans leurs rapports aux écrans, à la chasteté.
L’enracinement des époux en Dieu par la chasteté conjugale
par Gabrielle vialla. Paru dans la revue Carmel n°180
La chasteté, aujourd’hui largement ignorée ou vilipendée, est pourtant la vertu morale qui unifie en nous la vie spirituelle à la réalité corporelle et sexuée. Telle la sève de l’arbre, la chasteté permet à notre être de grandir et de s’enraciner en Dieu.
« Dès le commencement, le Créateur les fit homme et femme, et dit : « À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. » Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » (Mt 19,4-6)
Dans l’évangile, Notre Seigneur rappelle à chaque génération qu’il y a, dès la Création (Gn 1,27 et Gn 2,24), une promesse magnifique de Dieu pour le mariage. À l’homme et à la femme, appelés à ne faire qu’un, Dieu donne d’être féconds comme Lui-même est fécond : « Portez du fruit, multipliez-vous » (Gn 1,28). Le couple humain est ainsi assimilé à un arbre appelé à porter du fruit en abondance. Certes, le péché tend à limiter la portée de ces paroles divines, mais pour celui qui les accueille avec foi, la promesse de Dieu reste vivante. Pour le couple, ces paroles se réalisent en plénitude grâce à la vertu de la chasteté qui est comme la sève de l’arbre qu’il forme. Après avoir rappelé l’enseignement du Catéchisme de l’Église Catholique sur la chasteté, nous verrons comment cette vertu s’éclaire à la lumière du plan de Dieu sur l’homme et la femme. Nous comprendrons alors que la chasteté, comme signe du corps commun des époux, est le remède à la « culture de mort » de notre société. Seule la chasteté, en effet, permet au couple d’être unifié. Elle doit donc être enseignée pour que chacun puisse l’accueillir comme un don de Dieu. La chasteté, enfin, est la vertu qui permet à la spiritualité conjugale d’être enracinée en Dieu. Elle peut alors devenir féconde de la fécondité même du Christ, la vigne sur laquelle nous sommes greffés.
Qu’est-ce que la chasteté ?
Le Catéchisme nous dit que celle-ci signifie « l’intégration réussie de la sexualité dans la personne et par là l’unité intérieure de l’homme dans son être corporel et spirituel ». Le lecteur attentif à ce numéro 2337 peut s’étonner de la suite de la définition. La phrase suivante explique, en effet, comment la sexualité devient humaine. « La sexualité, en laquelle s’exprime l’appartenance de l’homme au monde corporel et biologique, devient personnelle et vraiment humaine lorsqu’elle est intégrée dans la relation de personne à personne, dans le don mutuel entier et temporellement illimité, de l’homme et de la femme. » On ne peut comprendre la nécessité de la chasteté que dans la mesure où la sexualité a une signification : le don mutuel de l’homme et de la femme. Une dernière phrase synthétise la définition en la résumant. « La vertu de chasteté comporte donc l’intégrité de la personne et l’intégralité du don. »
Le plus souvent lorsque l’on parle de la chasteté, on l’associe à la continence, voire aux vœux religieux. Il est pourtant essentiel de noter que dans le mariage seulement est vécu le don entier et temporellement illimité de l’homme et de la femme. En lui est signifiée la vérité du don total du Christ pour son Église, telle que nous l’enseigne saint Paul. Le chapitre 5 de l’épître de saint Paul aux Éphésiens rapporte en filigrane de façon splendide le lien entre notre réalité corporelle et l’amour-don : Vous, les hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ : il a aimé l’Église, il s’est livré lui-même pour elle. C’est de la même façon que les maris doivent aimer leur femme: comme leur propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime soi-même.
L’union conjugale est le signe de cet amour fou du Christ pour chacun de nous – amour consenti depuis toute éternité dans la communion trinitaire. On a beaucoup dit, à raison, du mariage qu’il est le signe de l’Alliance nouvelle. A-t-on aussi reçu et transmis que le mariage est le signe de notre vocation à l’union à Dieu ? Il y a un appel pour chacun d’entre nous à vivre au sein de l’Amour divin, précisément celui dans lequel le Rédempteur nous introduit, au moyen de sa chasteté parfaite.
La chasteté : un mystère qui s’éclaire dans le plan de Dieu
La définition de la chasteté dans le Catéchisme nous plonge dans des abîmes de profondeur. Elle est difficile à saisir dans sa globalité. De même que la chasteté est un refus de mettre la main sur l’autre, de le chosifier, nous ne pouvons totalement approcher par l’intelligence ce qu’est la chasteté. Habituellement, on réfléchit à la chasteté à partir du célibat pour le Royaume, pour comprendre entre autres la nécessaire maîtrise de soi, l’ascèse, la modération, la continence ou de façon plus eschatologique notre destination vers un corps glorieux. Il faudrait plutôt commencer par contempler le plan du Dieu créateur sur l’homme et la femme et sa signification nouvelle dans l’amour du Christ pour son épouse Église et pour chacun de nous. Cela vaut en effet pour tous les états de vie. Nous avons à nous laisser pénétrer par le mystère insondable de l’Incarnation. Nous laisser toucher comme les contemporains du Christ, témoins du vécu de la sainte Famille : « N’est-il pas le fils du charpentier ? Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie, et ses frères : Jacques, Joseph, Simon et Jude ? » (Mt 13,55). L’intégration réussie de la sexualité dans la personne en vue de l’intégralité du don, nous est manifestée à la perfection dans un être de chair en la seconde personne de la sainte Trinité: le Christ. Quant à la féminité, donnée en plénitude, nous l’admirons en Marie. La plénitude de la chasteté ne peut être véritablement comprise, mais nous la contemplons dans les personnes du Christ et de Marie, dans le mystère de l’Église. Grande est notre foi ! Combien devons-nous recevoir notre être corporel et sexué comme un don de Dieu !
La chasteté, avant d’être l’exercice d’une privation par amour de Dieu ou d’autrui, est d’abord un don gratuit de l’Esprit, qui s’incarne et s’exprime dans la matière et dans le corps. Dans le monde naturel, nous voyons qu’un arbre bien enraciné est capable de porter du fruit. On retrouve cette analogie avec la chasteté. La personne sexuée unifiée est capable de don authentique. Elle est féconde, sans le savoir, grâce à la sève de la chasteté. Parce qu’elle est d’abord respect de ce qui vient de Dieu, la chasteté nous dispose en retour à l’offrande de nos corps, pour la louange au Créateur, la gloire du Père céleste. Nous pouvons faire l’expérience spirituelle d’une circulation dans l’amour ; ce qui nous a été confié – nous-mêmes, dans notre corps – est appelé à un retour vers Dieu, à un don désintéressé de nous-même, rendu possible grâce au travail de l’Esprit Saint en nous.
Le signe du corps commun des époux
Tout au long de ses catéchèses et de ses autres enseignements, saint Jean-Paul II nous a exhortés au respect de ce qui vient de Dieu, dans la recherche de la vérité sur l’homme et la femme. L’admirable altérité de l’homme et de la femme, appelés à n’être « qu’un à partir de deux » doit être la source de notre réflexion. La raison humaine peut, dans une certaine mesure, chercher à comprendre le sens profond des unions conjugales qui signifient cette unité, et s’interroger sur la réalité d’un corps commun des époux qui demeure au-delà de l’altérité. La science médicale peut décrire les physiologies masculine et féminine, capables de donner la vie dans une complémentarité complexe et fine. La psychologie se penche sur ce vécu conjugal, la recherche d’harmonie et de communication. La philosophie, visant à la compréhension de l’altérité et de la communion, scrute la valeur des échanges entre le temps cosmique cyclique, vécu plus particulièrement dans le cycle féminin fini, et le temps plus linéaire masculin[1]. À l’image d’un arbre qui porte du fruit en son temps, la chasteté implique le respect du rythme de l’autre. La politique au sens noble, quant à elle, est appelée à défendre la famille, comme la cellule de base de la société que le couple humain fonde pour donner la vie, s’assister dans le bonheur et les épreuves. Toutes ces disciplines contribuent à nous faire connaître, juger et bien agir. Mais souvent, aujourd’hui, elles choisissent de se détourner du réel, pour préférer l’idéologie ; elles se mettent alors au service de la toute-puissance du désir individuel, du pouvoir, de l’argent. Chacune, aussi précieuse et nécessaire qu’elle soit dans son domaine, comporte les limites de ses propres paradigmes. Ces limites les régissent. Les tenants de ces disciplines sont en outre fortement tributaires de la société dans laquelle ils vivent. Chacun est confronté à une culture qui rejette le sens. Et même tout simplement le « bon sens ». Beaucoup préfèrent alors trop souvent le désir idolâtré, la simple réputation, le pouvoir.
La sève de la chasteté: un remède à la culture de mort
Une culture où la chasteté n’a plus de sens, où le corps dans son plaisir ou son bien-être est sa propre finalité, devient une société monstrueuse pour les plus vulnérables. Voilà pourquoi Jean-Paul II l’a si bien définie comme une « culture de mort ». Comprenons, à la suite de saint Augustin, que la chasteté guérit des conséquences des fautes passées. La chasteté console des épreuves de la finitude, de la solitude, de la disharmonie des relations interpersonnelles encore défaillantes. La culture hyper-érotisée – je préfère dire a‑érotique, car elle est privée de la pudeur qui permet à l’Éros d’être au service de l’amour – est dispersion, morcellement, atteinte à l’intériorité. Elle rend triste. Elle ne peut que récuser la chasteté, pourtant essentielle à notre condition humaine, essentielle à notre vie spirituelle. La chasteté conjugale est particulièrement visée. Et cela depuis longtemps. Facilitez le concubinage, faites la promotion de l’adultère, de la contraception et de l’avortement, vous obtiendrez quelques temps plus tard toutes les revendications sexuelles et sur l’enfant (PMA, GPA), le mariage des prêtres, l’incapacité à saisir le sens du célibat pour le Royaume.
Nous vivons ceci de paradoxal : la chasteté est attendue, exigée par le monde – elle est épiée, facilement mise au pilori – mais on dénie à l’autorité de l’Église le droit d’enseigner la chasteté. L’encyclique Humanae vitae est-elle enfin reçue, enseignée avec persévérance ?[2] Or, à mon avis, quand une autorité, parentale ou ecclésiale, ne parle plus de ce sujet éducatif fondamental, elle se met en danger elle-même. Certes, lorsque la famille est constituée, que les époux vieillissent ou sont fatigués, ils peuvent – et c’est bien naturel – être angoissés à la perspective d’accueillir un nouvel enfant. Ils sont bien souvent tentés de recourir à la contraception. Le « médicalement correct » n’aidant pas, ils y céderont surtout s’ils ne sont pas accompagnés par un foyer qui enseigne la régulation naturelle des naissances, et par un accompagnateur spirituel sensibilisé sur le sujet. Les victimes collatérales de ce type d’abandon sont les adolescents, les jeunes adultes de ces familles. Il est temps de mettre en valeur les répercussions sociales, éducatives et spirituelles des renoncements à la vérité en ce qui concerne la chasteté conjugale. Reprenons l’exemple donné précédemment de parents qui cèdent à la contraception, avec des raisons compréhensibles, comme celle d’avoir déjà une belle famille. Ces époux n’ont pas la pleine connaissance de la vérité interne de l’acte conjugal. Ils abandonnent ce trésor pour une dissociation de l’union et de la procréation, mais ils restent face à leur conscience. Les mauvaises solutions donnant une « bonne » conscience bancale, celle-ci n’est plus éclairée et lumineuse. Troublés, les pauvres parents se trouvent naturellement démunis, incapables d’avoir un discours exigeant et beau vis-à-vis de leurs enfants. Nombre d’entre eux, chrétiens, auront néanmoins à cœur de donner une éduca- tion sexuelle à leur progéniture ; il existe d’ailleurs de nombreux bons livres et de belles propositions. Seulement, le discours tenu dans la famille ne sera plus organiquement lié à la source conjugale. C’est dans cette chasteté personnelle et conjugale que le père et la mère, avec leur don propre, trouvent la force de surmonter par amour la pudeur naturelle afin d’exhorter au bien leur progéniture et de soutenir chacun de leurs enfants dans les difficultés, au milieu des contre-témoignages que ceux-ci ne manqueront pas de trouver autour d’eux.
La chasteté comme unification de l’être
Saint Augustin parle de la chasteté comme de l’unité que nous avons perdue en nous éparpillant[3]. Il indique ainsi un chemin personnel, relationnel pour découvrir et revenir à cette unité de notre être. Mesurons à quel point cette définition prend une dimension nouvelle pour la chasteté conjugale. L’exigence de l’amour unifié est comme élargie à ce respect du corps commun. L’appel en faveur de cette union, que l’homme ne peut rompre de son initiative, nécessite la conscience du regard de Dieu. Dans l’espace de cette bénédiction première, deux êtres, souvent rejoints par d’autres issus de ces deux, reçoivent une vocation et une responsabilité propres liées à la fondation de la famille, église domestique. Bien davantage, ils contribuent à révéler aux autres états de vie, et même à tout homme de bonne volonté, ce prophétisme du corps que saint Jean-Paul II a si bien décrit. Cette théologie du corps est avant tout une théologie de l’amour filial. Nous recevons de Dieu notre état corporel comme un instrument fidèle, un don à partir duquel nous apprenons à Le connaître et à L’aimer. Le péché, lui, nous dispose à mépriser la sexualité, à la considérer comme une honte, associée à terme à la déchéance de la souffrance et de la mort. La société hyper-érotisée méprise la beauté de la sexualité. L’enseignement de saint Augustin, pétri de sa connaissance de la nature humaine, renverse positivement la perspective de notre société en nous disant que la chasteté est en réalité ce qui nous recompose. La chasteté souvent perçue comme contraignante devient le seul moyen d’accéder à la liberté. Les époux chrétiens devraient tant méditer sur cela !
Une vertu à aimer et à enseigner
Aux époux chrétiens sont confiées trois chastetés : la chasteté personnelle, celle du conjoint – dont on est responsable dans une mesure limitée, par la prière et l’exemple[4] – et enfin la chasteté conjugale – celle du corps commun. À l’aube de la vie conjugale, le désir d’harmonie, d’union des cœurs, des esprits et des corps, est bien grand. Mais, malheureusement, la chasteté est peu comprise, annoncée et encore moins aimée. Pourtant, comme nous venons de le décrire, la chasteté est le premier moyen de croissance, de guérison dans cette vie à deux. Personne ne croit sérieusement, à moins d’une grande immaturité, que les couples restent sans difficultés ou incompréhensions ; mais avec la mentalité actuelle, même pour ceux qui ont une belle vie spirituelle, on omet très souvent la chasteté conjugale comme base de la spiritualité conjugale. Chacun est vite découragé par la réalité prosaïque d’avoir à confronter ses désirs, goûts, et choix à la volonté d’un autre être humain aussi imparfait et insatisfaisant. Trop souvent, les époux sont les témoins ou les acteurs de l’envahissement de la pornographie dans leur univers intérieur, de l’égoïsme endurci par leur mentalité malthusienne et contraceptive. Quelquefois, des addictions au virtuel, au sexe, à l’alcool ou à la drogue sont profondément ancrées. Le désir spirituel paraît si fragile et inconstant, quand il ne semble pas totalement absent ou indifférent. Les pasteurs et éducateurs s’interrogent : la chasteté peut-elle encore s’enseigner ? Quel regard pouvons-nous réellement poser sur le mariage, sa dignité ? Les époux chrétiens sont pourtant aussi appelés à la sainteté de leur baptême. Leur vocation n’est pas de seconde catégorie, et l’exercice de la sexualité en fait partie. Donnons-nous aux fiancés la possibilité de comprendre la très haute vocation à l’amour divin à laquelle ils sont appelés ? Comment concrètement cela peut-il se vivre ? Comment les époux peuvent-ils, à leur tour, suivre le Christ humble et pauvre de cœur ?
La chasteté : une conversion à vivre
Notre première conversion ne peut être que celle de notre regard. Jamais autant qu’aujourd’hui nous n’avons pu constater nos vulné- rabilités et celles d’autrui. Dans le fond, surtout, nous nous jugeons nous-mêmes incapables d’offrir à Dieu nos corps et tout ce que nous sommes[5]. Nous sommes ébranlés autour de nous par les échecs du mariage, de la vie sacerdotale ou consacrée. Nous préférons exclure la proposition de la chasteté aux personnes, par peur ou par fausse compassion en atténuant la beauté exigeante de l’Évangile. Comment ne pas admettre pourtant que pour toutes ces personnes la chasteté reste une urgence ? Celle-ci est un don qui jaillit de l’arbre de vie qu’est la Croix pour les malades et les pécheurs que nous sommes. La chasteté est la possibilité de la liberté face à toutes les aliénations intérieures et extérieures de la sexualité blessée. Cette liberté se vit en Dieu. Les premiers bénéficiaires de ce don sont, selon les mots de Jésus, les publicains et les pécheurs. Sur eux, sur tout pauvre qui L’invoque, Il pose un regard nouveau. Après avoir entendu l’aveu de nos blessures, nos erreurs passées, il redit à chacun : « Va, ne pèche plus ! » Et les plus durs à convaincre, c’est nous-mêmes, les bien-pensants de l’Écriture, les familiers du magistère. Nous savons confusément ceci : si nous laissons le Christ mettre sa lumière dans les ténèbres de nos complexités liées à notre sexualité, il risque de faire de nous des apôtres de la vie, et ce ne sera pas facile. Peut-être redoutons-nous ce qu’implique le désir de chasteté ? Si nous ne sommes pas tout jeunes, comme les plus vieux face à la femme adultère, nous savons bien que, dans le domaine de la sexualité, on garde des fragilités longtemps, que les blessures, les erreurs du passé s’inscrivent dans la mémoire de notre corps, de notre imagination, et qu’elles ne disparaissent que lentement. Alors notre vision pastorale ou éduca- tive quelque peu opportuniste négocie : Que peut-il y avoir à gagner avec ce sujet si pénible? La réponse est toute simple: choisissons alors de ne pas être notre propre maître, mais de Lui laisser Sa place en nous. Choisissons de nous replacer sans cesse sous le regard de Sa Miséricorde et de dépendre de Lui. Reconnaissons, comme le dit si bien la liturgie, que sans Lui notre vie tombe en ruine. Désirons enfin que, dans l’intime de leur cœur, ceux qui nous sont confiés découvrent cette même certitude. Aimons-les.
Une chasteté enracinée dans l’amour de Dieu
La spiritualité conjugale et la fécondité spirituelle à l’intérieur de l’Église domestique sont intimement liées à la chasteté conjugale. Elle doit donc être protégée et aimée. Il en est de même pour l’Église universelle. La fécondité spirituelle ne peut qu’être liée à la conversion de chacun des membres du corps du Christ, par la chasteté. Thérèse de Lisieux a su avec génie décrire la fragilité inhérente à n’être qu’un reflet du mystère du Christ : « Être ton épouse, ô Jésus, être carmélite, être par mon union avec toi la mère des âmes, cela devrait me suffire… » Elle décrit ensuite son désir pour d’autres vocations. Elle ne peut que conclure : « La Charité me donna la clef de ma vocation[6]. » À ma toute petite échelle, après avoir contemplé, pendant des années, la beauté de la chasteté pour le Royaume et celle du mariage, j’en ai déduit dans mon ouvrage consacré à cette vertu, qui est aussi un don :
« la chasteté permet à Dieu d’inscrire la charité dans le temps. […] Notre chasteté personnelle est don, participation à la chasteté du Seigneur. Notre chasteté est greffée sur celle du Christ. Elle nécessite un acte de foi en l’Incarnation du Fils de Dieu. « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Mais à ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. » ( Jn 1,11-12) Le Seigneur nous a aimés et nous a donné sa vie à travers son humble et très sainte chasteté. Dans l’Évangile, il nous indique que la venue de l’Esprit Saint est aussi soumise à son départ corporel… Notre chasteté, même bien imparfaite, ici-bas toujours en devenir, mais bien unie à celle du Sauveur par le baptême et la vie de la grâce, permet à notre corps d’être le temple de l’Esprit Saint. Voilà comment, par la chasteté, Dieu permet à la charité de s’inscrire dans le temps et la matière. Telle est la grâce que le Fils nous a obtenue. « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour » (Jn 15,9) »[7].
Par la vertu de la chasteté, le couple peut être greffé sur la vigne qu’est le Christ, enraciné dans l’amour de Dieu le Père. Il peut alors porter « beaucoup de fruits » (Jn 15,5).
[1] Pour parler aux jeunes de cette altérité anthropologique entre l’homme et la femme, nous renvoyons à notre livre Bien vivre le cycle féminin paru chez Artège en 2020.
[2] On peut lire Humanae vitae, texte intégral commenté, éd. Artège, co-écrit avec l’abbé Bruno Bettoli, 2018.
[3] « La chasteté nous recompose ; elle nous ramène à cette unité que nous avions perdue en nous éparpillant » (saint Augustin, Confessions 10,29) cité dans le Catéchisme de l’Église Catholique 2340.
[4] Cette responsabilité de la chasteté du conjoint est évidemment plus limitée que celle concernant la chasteté personnelle ou conjugale. Cette précision veut aider les conjoints qui vivent de graves conflits à ne pas entretenir de confusion. L’épouse qui est le témoin d’un désordre chez son époux se doit de prier pour lui, de ne pas se laisser entraîner – ce qui touche aussi à la chasteté du corps commun – mais elle n’a pas à se sentir responsable. Elle n’est pas non plus la mieux placée pour aider son mari sur le plan psychologique ou moral.
[5] « Je vous exhorte donc, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte. » (Rm 12,1)
[6] « Je compris que si l’Église avait un corps, composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que l’Église avait un Coeur, et que ce Coeur était BRÛLANT d’AMOUR. Je compris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’Église, que si l’Amour venait à s’éteindre, les Apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang… Je compris que l’AMOUR RENFERMAIT TOUTES LES VOCATIONS, QUE L’AMOUR ÉTAIT TOUT, QU’IL EMBRASSAIT TOUS LES TEMPS ET TOUS LES LIEUX… EN UN MOT, QU’IL EST ÉTERNEL ! … Alors, dans l’excès de ma joie délirante, je me suis écriée : Ô Jésus, mon Amour… ma vocation, enfin je l’ai trouvée, MA VOCATION, C’EST L’AMOUR ! » (Ms B, 3v°).
[7] Gabrielle Vialla, La chasteté, un don qui rend sa beauté à la sexualité, Paris, Artège, 2020, p. 137.
Réécriture du Catéchisme de l’Église catholique : Est-ce vraiment pour les victimes?
Depuis plus de vingt ans, j’écoute des couples, des femmes sur le vécu de leur cycle, et de la sexualité. J’ai aussi reçu quelques confidences de prêtres et de religieuses. J’ai donc malheureusement entendu souvent le cri caché de celles (plus rarement de ceux) qui ont subi des violences sexuelles, lorsqu’elles étaient enfants ou adultes. Parmi ces personnes, très peu m’ont confié que l’auteur de l’abus était un prêtre, mais j’en ai gardé alors un souvenir plus aigu.
Les victimes que j’ai entendues m’ont fait part de leur peine d’avoir connu trop tard l’enseignement moral de l’Église. Toutes. Même un prêtre abusé au séminaire, que je confie à vos prières, m’a dit cette phrase terrible : « On m’aurait enseigné cela à 18 ans, j’aurais adhéré, maintenant que j’ai tant souffert, je ne veux plus en entendre parler. »
Un nombre important de personnes ont pu mettre fin à des violences sexuelles lorsqu’elles ont enfin découvert cet enseignement inscrit dans les pages du Catéchisme de l’Église Catholique qui concernent le 6ème commandement.
D’ailleurs, qui peut aujourd’hui prétendre que ce contenu a été réellement enseigné, et de façon significative, aux adolescents dans les aumôneries, ou en préparation au mariage, depuis 1992, date de sa parution ? Ce serait à réécrire (proposition n°10 de la CIASE), commence-t-on à nous expliquer car cela aurait échoué. N’est-ce pas plutôt l’inverse ? Cela a échoué car, dans le meilleur des cas, l’enseignement a été sans cesse édulcoré sinon déformé. Quelle proportion d’adultes baptisés sait faire la distinction entre la continence et la chasteté ? La vérité est que cela a été seulement enseigné dans quelques familles, par quelques rares prêtres. Commençons donc par le début. Refusons le flou, le relatif et le confus en ce qui concerne la chasteté, dans les familles, les communautés, les paroisses. Prévenons enfin les jeunes et les parents, en leur apprenant ce qu’est réellement l’enseignement moral de l’Église sur la sexualité, pour qu’ils aient une conscience bien formée et qu’ils soient capables de déceler et de refuser les discours déviants, d’où qu’ils viennent.
Résumons de façon concise et franche. J’estime qu’à partir de la puberté, le catéchisme sur le 6ème commandement, pétri de l’Écriture, est la meilleure prévention pour les victimes contre les violences sexuelles au sein de l’Église catholique. Et pour protéger les jeunes enfants, plus les parents et les pasteurs auront les idées claires, plus ils seront capables de neutraliser les prédateurs.
Il n’y a qu’un nouveau cléricalisme qui puisse prétendre que la maison est devenue sûre, que la crise de la justice, de l’autorité, comme celle la théologie morale au sein de l’Église catholique va être résolue par cette remise du rapport de la CIASE. Plus que jamais les laïcs catholiques doivent être protégés aussi contre l’opinion personnelle du prêtre, de l’évêque, voire du pape. Notez que j’ai bien écrit l’opinion personnelle et que je ne parle pas ici de l’assentiment interne et externe du prêtre, de l’évêque ou du pape à l’enseignement dogmatique de l’Église. Le Catéchisme de l’Église Catholique est récent et de bon sens. Les termes employés utilisent encore un vocabulaire actuel. Je ne remets pas en question qu’il faille aussi un véritable travail historique, une réflexion anthropologique et théologique. Pour ce dernier point, mes livres attestent que j’y participe à mon petit niveau, depuis ma cuisine si je puis dire. Mais justement, parce que je fais aussi le ménage, que je change des couches, que je fais faire les devoir, que je sais qu’il convient de commencer par avoir de bons fondamentaux avant d’approfondir. Je suis un témoin parmi tant d’autres. Depuis plus de 20 ans, ce Catéchisme fut une aide lumineuse pour toute personne de bonne volonté qui cherche la vérité sur la sexualité. Tant de personnes ayant reçu de mauvais conseils de prêtres ou de laïcs, et restant dans le trouble, ont trouvé consolation et repères grâce à ces articles.
C’est d’abord pour les victimes qui subissent encore aujourd’hui des abus maquillés de verbatim spirituels, c’est pour protéger nos propres enfants aussi, c’est pour soutenir nos pasteurs dans la recherche du bien, enfin, que nous devons être ultravigilants face à toute recommandation de réécrire aujourd’hui ce chapitre qui concerne le 6ème commandement.
Pour ceux qui veulent aller un peu plus loin :
Les péchés des clercs envers les innocents ne sont pas explicitement cités par le Catéchisme de l’Eglise Catholique (CEC). Ces péchés sont traités dans le Code de Droit Canonique. Dans le CEC, les articles 2356 et 2389 parlent de la gravité du viol pour les parents et les éducateurs, sans évoquer les clercs[1]. À l’aune de l’actualité présente, la simple honnêteté intellectuelle perçoit qu’un ajout serait nécessaire. D’aucuns m’objecteront qu’il n’y a peut-être donc aucune mauvaise intention de la part de la CIASE dans cette histoire de réécriture, et que je joue sur les mots en plaidant pour un simple ajout et non pour une réécriture.
On notera que la préconisation 10 de la CIASE, comme Mr Sauvé lors de son discours du 5 octobre, ne demandent pas un ajout aux articles du 6ème commandement, mais que les crimes sexuels soient associés à ceux du 5ème commandement[2].
Si l’on demande expressément que cet ajout se fasse au 5ème commandement, la réécriture du 6ème commandement doit nous interroger : il est étonnant que le rapport de la CIASE n’emploie le terme de réécriture que pour les « enseignements tirés du sixième commandement » alors que, dans la logique du rapport, d’autres recommandations, comme celle sur le secret de la confession nécessiteraient aussi une réécriture du Catéchisme sur le sacrement de la pénitence et de la réconciliation.
La justice, la réparation que nous devons aux victimes de la pédophilie de clercs ne pourraient-elles pas, dans ces conditions, être instrumentalisées en vue de requalifier d’autres actes que la loi naturelle réprouve, et qui font aussi d’innombrables victimes ?
Jean-Marc Sauvé a bien une cible: « La morale sexuelle de l’Église n’a pas protégé contre les violences sexuelles, au contraire : adossée à une vision excessivement taboue de la sexualité, elle a empêché de nommer le mal, puis de discerner entre un mal absolu et un mal relatif ; c’est ainsi que les agressions sexuelles sur mineurs et majeurs vulnérables sont vues comme des « péchés de chair » ou des offenses à la chasteté des clercs, et non pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire des atteintes à l’intégrité physique et psychique de la personne. »
Le CEC nous dit précisément de la chasteté qu’elle signifie « l’intégration réussie de la sexualité dans la personne et par là l’unité intérieure de l’homme dans son être corporel et spirituel. La sexualité, en laquelle s’exprime l’appartenance de l’homme au monde corporel et biologique, devient personnelle et vraiment humaine lorsqu’elle est intégrée dans la relation de personne à personne, dans le don mutuel entier et temporellement illimité, de l’homme et de la femme. » §2337 « La vertu de chasteté comporte donc l’intégrité de la personne et l’intégralité du don. » §2338
Une offense très grave à la chasteté est forcément toujours une atteinte à la dignité de la personne humaine.
Monsieur Sauvé eût pu autant dire que les commandements de Dieu n’ont pas protégé contre les violences sexuelles. C’est bien plutôt l’absence d’adhésion à la morale sexuelle de l’Eglise, ou son ignorance, qui ne protège pas contre les violences sexuelles.
On peut aussi s’interroger sur cette affirmation d’absence de distinction entre mal relatif et mal absolu dans l’Eglise. Qu’est-ce que le mal absolu ? Mon professeur d’histoire parlait lui de la shoah. La notion de mal relatif dans le domaine de la sexualité, qu’est-ce que M. Sauvé suggère d’en faire ? L’Église, elle, ne souhaite à personne de faire le mal. Elle rappelle que nous sommes tous appelés à la chasteté.
Ceci étant dit, que des atteintes à la chasteté puissent être davantage perçues comme de possibles atteintes au 5ème commandement, pourrait être une bonne nouvelle. Souhaitons que la prise de conscience de ce lien entre sexualité et vie, entre 6ème et 5ème commandement se fasse de plus en plus forte, qu’elle nous permette de percevoir à quel point notre responsabilité est importante dans la sexualité à cause des répercussions que la sexualité a sur la vie corporelle, psychique ou spirituelle, et combien cette perception est devenue urgente.
Pour cela il nous faut ardemment réhabiliter la chasteté, refuser de l’assimiler à la continence, refuser de lui donner une définition étriquée ou désincarnée. La morale sexuelle est trop souvent enseignée seulement au séminaire, en isolant les sujets les uns des autres, puis négligée dans la formation continue des clercs. La chasteté subit de fait un mélange de discrédit et de rigidité au moins depuis les années cinquante. Travaillons à ce que cela ne laisse pas la place à un relativisme moral, une passivité ou une indifférence mais bien à un renouvellement pour tous de notre « façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. » (Rm 12, 2)
J’en appelle à ceux qui ont découvert la beauté de la chasteté et la valeur de l’enseignement de l’Église : mesurez votre responsabilité pour les générations qui viennent. La chasteté n’est pas facultative. L’absence de compréhension que nous en avons est au cœur des plus grands drames actuels.
Gabrielle Vialla, auteur de La chasteté, un don qui rend sa beauté à la sexualité, éd. Artège
[1] §2356 « Le viol désigne l’entrée par effraction, avec violence, dans l’intimité sexuelle d’une personne. Il est atteinte à la justice et à la charité. Le viol blesse profondément le droit de chacun au respect, à la liberté, à l’intégrité physique et morale. Il crée un préjudice grave, qui peut marquer la victime sa vie durant. Il est toujours un acte intrinsèquement mauvais. Plus grave encore est le viol commis de la part des parents (cf. inceste) ou d’éducateurs envers les enfants qui leur sont confiés.«
§2389 « On peut rattacher à l’inceste les abus sexuels perpétrés par des adultes sur des enfants ou adolescents confiés à leur garde. La faute se double alors d’une atteinte scandaleuse portée à l’intégrité physique et morale des jeunes, qui en resteront marqués leur vie durant, et d’une violation de la responsabilité éducative. »
[2] Il eût pu préciser aussi que les abus sexuels de la part de clercs étaient une offense au premier et au troisième commandement.
Pourquoi une neuvaine à Marie qui garde la chasteté des prêtres ?
À quelques jours de la remise du rapport Sauvé, laïcs catholiques, pouvons-nous rester spectateurs de l’inévitable ébranlement dans la foi que la réalité des faits rendus publics va de nouveau susciter ?
Nous n’avons pas à choisir entre :
– écouter et prier pour les victimes afin qu’elles trouvent compréhension et réconfort, qu’elles soient reconnues mais aussi que justice soit faite
– témoigner d’un assentiment à l’enseignement moral de l’Église tel qu’il est donné dans le Catéchisme de l’Église Catholique
– supplier pour les prêtres et prier pour que des efforts soient faits aujourd’hui en faveur de l’éducation à la chasteté.
Il est possible d’unifier ces trois attitudes intérieures et extérieures. Certains veulent nous faire croire qu’aimer et rendre compte de l’enseignement de l’Église est une injure aux victimes. C’est faux ! Certainement des bourreaux se sont servis d’ « éléments de langage » catholiques et de leur réputation d’aimer l’Église mais cela n’a rien d’étonnant puisque c’est le propre du démon de nous captiver avec un simulacre du bien. À la suite de Benoit XVI, sur le plan historique nous avons à contempler comment l’Esprit Saint a aussi suscité par l’enseignement du Magistère un développement anthropologique, doctrinal et spirituel toujours plus fin et ferme concernant la chasteté, le lien indissociable entre la sexualité et la vie. A t-il été reçu à la mesure de ce que cela impliquait ? Les laïcs de la génération Jean-Paul II doivent enfin reconnaître le murmure de leur conscience, percevoir qu’aimer les victimes et les prêtres c’est tout tenir.
En ce mois du Rosaire, nous pouvons nous tourner vers Marie, qui garde la chasteté des prêtres, qui garde la chasteté de chacun d’entre nous. Si des prêtres ont gravement gravement failli, d’autres à la suite de saint Paul ont pu dire « J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi »
Il sera proposé, sur ce site et des sites amis, de contempler chaque jour du 4 au 13 octobre un saint prêtre, aujourd’hui au balcon du ciel donc non susceptible d’être déformé par notre vénération, et d’invoquer Marie qui garde la chasteté des prêtres.
Gabrielle Vialla
PS: Cette neuvaine fait écho à la neuvaine de Marie qui garde les prêtres que vous pouvez trouver aussi ici.
Annoncer la chasteté, une urgence !
paru dans Notre Église n°125, journal du diocèse de Bayonne
Le mot Chasteté ne plaît guère. On lui associe, à tort, la continence pour tous ou encore une morale étriquée, faite de seuls préceptes négatifs. Pourtant, toute personne aspire à l’harmonie entre son corps, son esprit, sa sexualité et son affectivité. Par Gabrielle Vialla
Dès la jeunesse, chacun peut percevoir en lui-même des dissonances, des difficultés à se donner, à ne pas accaparer l’autre pour soi. Puis, les histoires personnelles accumulent souvent les déceptions et les désillusions, des lassitudes et des regrets.
Saint Augustin, avec sa profonde connaissance de la nature humaine, nous enseigne que la chasteté est en réalité ce qui nous recompose : elle nous ramène, écrit-il, à cette unité que nous avions perdue en nous éparpillant. Ce regard positif renverse la perspective. La chasteté d’abord perçue comme contraignante devient le seul moyen d’accéder à la liberté. Marqués par le péché originel, l’homme et la femme gardent en eux un profond désir de vérité sur eux-mêmes. Dès la première expérience du péché, dans le livre de la Genèse, Dieu les protège d’eux-mêmes, par le don extérieur du vêtement, et celui, intérieur, de la pudeur. Mais la pudeur, notre époque n’en veut pas davantage. Elle refuse de respecter ce corps fini et d’espérer le plein accomplissement de la Rédemption, dans la gloire du Ciel1 .
La chasteté exclut de chosifier autrui, de mettre la main sur lui. Il me semble aussi que le concept de chasteté se dérobe toujours un peu à l’intelligence. Car la chasteté, avant de se comprendre intégralement, se contemple dans la personne du Christ. On ne la possède pas entièrement car elle touche au corps, à la sexualité, aux désirs, aux méandres de l’inconscient, à notre finitude…
LA FINALITÉ DE LA CHASTETÉ EST LE DON TOTAL DE SOI PAR AMOUR.
Voilà comment saint Jean-Paul II, par une formule elliptique et pédagogique peut nous dire que « la chasteté c’est vivre selon l’ordre du cœur. » Il nous prévient, par la même occasion, d’une terrible erreur qui serait de rechercher la chasteté pour elle-même, comme une maîtrise orgueilleuse de soi, un exercice psycho-corporel, qui ne tiendrait pas compte du cœur, afin de ne dépendre de personne en quelque sorte. Ce serait un simulacre, une inversion, car la chasteté n’est pas l’autonomie vis-à-vis de Dieu et de sa volonté sur nous.
LA CULTURE ACTUELLE PRÉSENTE LA VIE HUMAINE COMME UN MATÉRIAU NÉCESSITANT UN STRICT CONTRÔLE DÈS SA CONCEPTION.
Il s’agit de s’en prémunir par la contraception, voire l’avortement, ou bien, au contraire, de la faire advenir par la procréation artificielle, sans le respect de l’union des époux dans sa signification indissociablement unitive et procréative. La crise de la covid 19 nous démontre, si c’était nécessaire, combien l’hygiénisme, le déterminisme ont envahi nos existences occidentales. Un certain déni des besoins de l’âme et de l’esprit, jusqu’à la possibilité d’une dictature sanitaire qui ne protège que la vie nue, n’est plus de l’ordre du fantasme. Les projets de loi actuels autour de l’euthanasie rappellent enfin à tout observateur à quel point la vie est comprise par les pouvoirs publics dans son expression la plus étroite.
Une culture où la chasteté n’a plus de sens, où le corps est sa propre finalité, devient une société monstrueuse pour les plus vulnérables. Voilà pourquoi Jean-Paul II l’a si bien définie comme une « culture de mort ». Pendant une génération, on a malencontreusement répété que la défense de la vie de la conception à la mort naturelle relevait de la seule morale naturelle, que la foi devait être annoncée dans un silence abusivement qualifié de prudent sur les questions dites sociétales. On a ensuite voulu défendre le mariage entre un homme et une femme sans parler du sens chrétien de la sexualité humaine et de ses finalités.
Aujourd’hui, M. Houellebecq observateur cruel peut ainsi annoncer, à propos de l’euthanasie : « Les catholiques résisteront de leur mieux, mais, c’est triste à dire, on s’est plus ou moins habitués à ce que les catholiques perdent à chaque fois. » Aucun de ces sujets n’échappe pourtant à la chasteté. Que l’écrivain souvent scabreux ne l’ait pas vu, passe encore, mais que le peuple de Dieu et ses pasteurs continuent à l’ignorer, voilà la vraie détresse spirituelle, éducative et culturelle.
LA VALEUR SACRÉE DE LA VIE HUMAINE
La culture de vie ne peut que reconnaître, faire aimer le corps et la sexualité dans leurs limites voulues par Dieu pour notre bien. Nos grands désirs de don de nous-mêmes par nos corps se heurtent à nos médiocrités intérieures, à nos petits intérêts calculateurs. Seule l’adorable chasteté de Jésus peut nous rendre l’espérance. L’offrande de nous-même encore emmêlée dans l’opacité du monde actuel, c’est Lui qui la présente au Père. Sa mort et sa résurrection ont déjà vaincu la mort. Notre victoire est déjà là. Voilée mais là, par la foi… n’en déplaise à Houellebecq.
La profonde crise anthropologique que nous vivons devrait inciter à faire de l’éducation à la chasteté une priorité au sein de nos familles et un vrai sujet de pastorale. Dans une société qui promeut autant la culture de mort, nous avons besoin de petites oasis, de lieux où les personnes désirent vivre la chasteté, parce que la chasteté, à laquelle tout cœur aspire, dans le fond, est en réalité contagieuse.
1- La définition la plus complète de la Chasteté est celle du Catéchisme de l’Église catholique : « La chasteté signifie l’intégration réussie de la sexualité dans la personne et par là l’unité intérieure de l’homme dans son être corporel et spirituel. »
Le droit de vote pour la femme au synode : une réponse à l’éclipse du féminin ?
La baisse dramatique des vocations sacerdotales inquiète fortement l’institution. Tout le monde le sait et explique telle ou telle décision concernant les fidèles laïcs hommes ou femmes à l’aune de ce constat.
Mais il est un autre problème de fond qui lui, reste très largement sous-estimé : qu’en est-il de la disparition des signes de ce qui est spécifiquement féminin, chez les catholiques occidentaux ? Qui s’alarme aujourd’hui de l’effacement du féminin, bien réel, et mal compensé par un discours sur la « place des femmes » ? Un petit et rapide bilan s’impose.
Tout d’abord, il faut rappeler que l’un des premiers facteurs de l’éclipse du féminin est le recours généralisé à la contraception hormonale, voire à l’avortement. Aujourd’hui, le cycle féminin est ainsi gommé chez une majorité de femmes pratiquantes. Les répercussions relationnelles et spirituelles de cet état de fait, pourtant prophétisées par Paul VI dans Humanae vitae, n’ont été que rarement mises en lumière. Premièrement, le recours massif aux hormones par la majorité des femmes efface chez elles la richesse (psychologique, physiologique, spirituelle) induite par les variations naturelles du cycle[1], et qui fait leur spécificité par rapport à l’homme. Deuxièmement, et c’est en partie un corollaire du premier point, la baisse de la natalité entraîne dans la majorité des paroisses occidentales une démographie vieillissante, avec une disparition des signes visibles de la maternité que sont la grossesse, et l’allaitement.
Ensuite, il suffit de se replonger dans un bon film avec Louis de Funès, ou de regarder les photos « d’époque » dans les sanctuaires mariaux : ces témoignages d’un passé qui n’est pourtant pas si lointain nous rappellent cruellement le départ des religieuses en habit. Une simple réplique du gendarme à St Tropez illustre encore le poids éducatif et social des fameuses « sœurs » dans les années soixante : « Vous priez mon fils ? – Ben non… euh… oui… que Dieu nous ait en sa sainte protection ! »
Il est important de rappeler ces vérités, car en regard, d’autres réalités peuvent nous donner le sentiment exactement inverse, à savoir que les femmes sont bien présentes, voire trop présentes. Aujourd’hui, les assemblées dominicales sont davantage composées de femmes que d’hommes. Les conseils paroissiaux sont majoritairement féminins. Les services dans les paroisses sont le plus souvent assurés par les femmes. Les contributions et la participation effectives des femmes sont, au moins, aussi importantes que dans les années soixante. Certains y voient une féminisation. Mais cette situation n’est pas exempte de tensions. Le besoin de reconnaissance des dames s’en trouve augmenté. Beaucoup de pasteurs souffrent de ne travailler pratiquement qu’avec des femmes. Un cercle vicieux s’installe, entre revendication et aigreur du côté féminin, rejet silencieux et culpabilité du côté masculin ecclésial. Non seulement, cela ne corrige en rien la perte du féminin que nous évoquions plus haut, mais cela empêche la prise de conscience. Il faut pourtant le dire clairement : il n’y a rien de spécifiquement « féminin » dans ces engagements paroissiaux ; rien d’autre que le fait que c’est, basiquement, une femme qui exécute tel ou tel rôle ou fonction. Que les paroisses comptent de très nombreuses femmes qui tiennent des postes n’aide pas tout-un-chacun à comprendre que peu de femmes reçoivent leur vocation et leur place non seulement comme une grâce et un don insigne – ce qui est déjà beaucoup – mais aussi comme spécifique et irremplaçable. En particulier par la gratuité d’une féminité et d’une maternité plus chronophage et énergivore que ne le sont les efficaces masculinité et paternité. Ce qui dans la vocation de la femme est unique et indispensable pour la vitalité de la foi, s’amenuise, s’évanouit, en bien des endroits[2].
Quelques réactions au manifeste sur la vocation du féminin m’ont rappelé à quel point les femmes, dans l’institution catholique, s’estiment peu. Certaines se sentent même humiliées. Quelques-unes m’ont parlé de corvées, de nécessaire rééquilibrage entre hommes et femmes. On m’a montré à quel point il fallait valoriser les contributions des femmes, aussi douées que les hommes. Dans ma naïveté, je présumais que la dignité de la femme était égale à celle de l’homme, que la contribution indéfectible de la femme dans la propagation de la foi, au sein de l’Église, depuis l’Évangile était une lapalissade. Que nenni. Dire que la femme contribue, participe : voilà l’urgence.
Dans ce contexte, le droit de vote de l’une d’entre elles au synode est énoncé comme la nouvelle « bonne nouvelle ». On découvre que la femme est capable. Le fait qu’on y voit une évolution nécessaire, presque une « révélation », est significatif du malaise. Jusque pour l’intéressée elle-même. Sr Nathalie Becquart déclare, ainsi, immédiatement après sa nomination comme sous-secrétaire au synode : « Cela tombe sur moi mais je le reçois aussi comme un signe de confiance pour les femmes dans l’Église. » Le sous-entendu est terriblement méprisant pour l’institution. Cela consonne avec les autres déclarations lues ici ou là qui vantent une porte ouverte, un progrès. J’y vois, pour ma part, un consensus pour répondre à la supposée misogynie passée de l’institution. C’est peut-être davantage l’aveu d’une humiliante condescendance actuelle. En effet, s’il fallait, comme certaines l’exigent, que les femmes soient représentées par une femme, que serait une voix face à des centaines d’autres voix ? Mais bien plus grave, une grande confusion entache la foi elle-même. Rappelons que le Père Céleste a fait tellement confiance à la femme, qu’Il lui a confié son propre Fils à l’état de première cellule et que le Ciel et notre Salut furent suspendus au oui d’une jeune fille. On peut continuer longuement avec l’Évangile, puis l’histoire de l’Église… jusqu’au pape François lui-même qui a institué la fête de Marie, mère de l’Église, réaffirmant ainsi ce que la hiérarchie ecclésiale masculine doit à la femme. On pourra faire tous les aggiornamentos que l’on voudra, il restera pour nos contemporains un point d’achoppement : Dieu a choisi d’envoyer son propre Fils, un homme, pour sauver la femme (et l’homme certes).
Notre époque est profondément ébranlée par son rejet de l’anthropologie biblique. L’Église, à l’instar de la famille (église domestique), souffre des profondes fragilités relationnelles entre les hommes et les femmes. Les pasteurs comme les fidèles laïcs recherchent confusément une altérité constructive et une effective complémentarité de l’homme et de la femme. Oui l’éclipse du féminin est cruelle. On tâche d’y remédier, mais dans une grande méprise du réel besoin.
De même qu’à la faveur de la covid 19, nous prenons conscience que la vie nue n’est pas la plénitude de la vie, ni le désir d’une personne unifiée corps-âme-esprit, de même nous avons à découvrir que la complémentarité de l’homme et de la femme, si elle suppose la différence physiologique, ne s’y réduit pas. Promouvoir une femme, parce que femme, ne garantit pas la fécondité intellectuelle, spirituelle liée au féminin. C’est à partir de l’intériorité, de l’intime de l’être seulement, que les répercussions de la complémentarité effective entre féminin et masculin s’intègrent, en vue d’une admirable fécondité. Cela n’a rien d’automatique[3]. Il nous faut choisir d’être avant de faire, de se recevoir de Dieu pour se donner. Les participations des femmes ne compenseront jamais la perte du sens du féminin dans la foi. Ceci fut admirablement décrit par le Cardinal Ratzinger : « La figure de la femme est indispensable à la cohérence de la foi biblique[4] ». Il convient de recevoir dans cette phrase lumineuse que c’est bien la figure de la femme (et non les contributions des femmes) qui est indispensable.
Notre époque ne laisse aux catholiques qu’une seule alternative : ou nous serons à la remorque des démocraties modernes paritaires, ou nous serons prophétiques. Nous pouvons nous perdre dans la confusion de l’autoréférence des choix individuels, jusqu’à l’apostasie, ou bien choisir d’entrer dans une plus grande gratitude de l’homme et de la femme créés à l’image de Dieu pour une vie en plénitude !
Gabrielle Vialla
[1] On peut lire mon ouvrage Bien Vivre le Cycle Féminin, éd. Artège, 2020.
[2] Sur la place de la femme dans la société et dans l’Église, on peut lire mon ouvrage Recevoir le Féminin, éd. Fécondité, 2018
[3] Voilà le travail de la chasteté. J’ai écrit un livre sur ce sujet : la Chasteté, éd. Artège, 2020.
[4] Cardinal Joseph Ratzinger, La fille de Sion, éd. Parole et Silence, 2002, p. 43.